Je quitte

Je quitte mes voisins, fonctionnaires européens. Je quitte le vieux monsieur à casquette de marin d’en face. Je ne saurai jamais si j’ai bien vu des piles de Vlan et de publicités toute-boites empilées dans son entrée. Je quitte le China Express en face duquel j’ai habité quelques années. Je quitte son immuable poulet sauce aigre-douce qui a envoyé le petit garçon qui jouait en tricyle à l’université. Je quitte le marché de la place des Chasseur Ardennais que je peux parcourir les yeux fermés ou presque (rotisserie à poulets en face du camion italien, etc.). Je quitte sans regrets le garçon avec un câblage neuronal qui bugge un peu et qui parcourt le quartier en parlant tout seul. Je quitte la Peugeot 205 qui semble vissée à son stationnement par le poids du temps. Je quitte ce qui reste des cerisiers du Japon. Je quitte des commerçants, des gens que je sais être du quartier à force de les croiser. Je quitte l’immuable concours du chien le plus sympathique qui vient pimenter la brocante annuelle. Je quitte des murs qui m’ont vu écrire, aimer, m’ennuyer, écrire, cuisiner, chercher la télécommande partout. Je quitte un emplacement géographique proche de la RTBF, proche de l’Europe. Je quitte un appartement à neuf marches du niveau du trottoir.

Je quitte 19 ans au même endroit. Bonjour Flagey. New life.