Comment faire interdire un livre (ou du moins essayer)

J’ai presque envie de commencer par « il était une fois… ». Dans un camp, un éditeur qui prépare un livre sur un paisible préretraité nommé Marcel Habran. En face, ce préretraité et ses avocats (dont un scénariste fumeur de pipes).

Au milieu : l’article 25 de la Constitution. Une petite chose qui dit :

La presse est libre; la censure ne pourra jamais être établie; il ne peut être exigé de cautionnement des écrivains, éditeurs ou imprimeurs. Lorsque l’auteur est connu et domicilié en Belgique, l’éditeur, l’imprimeur ou le distributeur ne peut être poursuivi.

Le scénario : le préretraité passe une partie de son temps dans les tribunaux à suivre des procès. C’est propre, c’est chauffé, c’est bien fréquenté et c’est distrayant. Une fois, pour que ce soit encore plus intéressant, il a joué à « Je suis l’accusé ». C’est plus difficile mais plus amusant, surtout quand on gagne à la fin.

Pendant ce temps, un journaliste qui connaît bien le préretraité prépare un livre qui raconte sa carrière (celle du préretraité, pas celle du journaliste). De cette façon, le préretraité disposera d’un aide-mémoire pratique quand ses petits-enfants, perchés sur ses genoux lui réclameront : « Raconte encore, Papy ! »

Papy pourra leur raconter que son avocat a voulu faire interdire le livre et qu’ils ont laissé des messages téléphoniques et un de leurs numéros de GSM (047X XXXXX4) sur la messagerie du journaliste peu avant que Papy recommence à disputer une nouvelle partie de « Je suis l’accusé ». En fouillant dans les albums de famille, Papy pourra même montrer
un fax un peu jauni à l’idée d’interdire la publication :

Courrier de Me Berenboom à Me Uyttendaele

Le livre du journaliste sera -t- il publié ? Papy Marcel va -t- il gagner sa nouvelle partie de « Je suis l’accusé » ? Suspense…

(full disclaimer : c’est pas comme si je ne passais pas de temps en temps du temps dans les bureaux de cet éditeur)

Chère Libre Belgique,

…tu es le journal dans lequel j’ai appris à lire. Tu m’as accompagné pendant des années. Tu connais l’adage « qui aime bien châtie bien » ? Figure-toi que je t’aime bien…

Les chiffres de vente de la presse écrite suivent peu ou prou la même pente que les actions Fortis l’automne passé ? Pas étonnant si toutes les actions commerciales du secteur sont aussi bien torchées que ce mailing :

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(PDF – full size 12 Mb)

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Commençons par cet inquiétant Alzheimer : à la première ligne le système de mailing sait que je m’appelle « Monsieur ». Vient ensuite un numéro de référence poétique comme une directive européenne sur les quotas laitiers. Et deux lignes après cette formule de politesse sexuellement correcte, c’est le drame : « Chère Madame, Cher Monsieur, ». Tant qu’on y est : si la bonne vieille technique du « citer le nom de la personne dans le corps du texte » n’est pas disponible sur votre imprimante, je peux vous louer la mienne pour 27,08 euros par mois si vous voulez…

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L’accident industriel survient dans le premier paragraphe du corps du texte. « votre récente demande » Quelle demande, les gars ? Sur un stand de foire ou de salon ? Via votre site web ? Par téléphone ? Télépathie ? Vous avez acheté mon nom dans un fichier ?

Toi bien ouvrir oreilles. Moi pas souviendance avoir fait demande recevoir journal pas sports Le Hodey Brothers un mois recevoir. Toi comprendre ou moi devoir expliquer différent ?

Il est parfaitement possible, avec la bonne carotte agitée sous mon nez, que j’aie accepté que mon nom et mon adresse figurent dans votre fichier. Il est totalement impossible que j’aie demandé un mois de journal en papier dans ma boîte aux lettres. Mon facteur a le dos fragile. Le Vlan suffit à recueillir mes épluchures légumières. Votre journal est périmé à la secondes où il sort de l’imprimerie, parfois même avant. Vous avez un site web. Dans un monde où l’info voyage via Twitter, qu’est-ce que je foutrais d’un abonnement à votre canard ? De plus, c’est pas comme si le mois d’août s’annonçait riche en actualité palpitante…

Lors de la réunion débriefing de cette campagne, pourriez-vous demander de ma part à l’auteur du texte pourquoi rien, mais alors là rien ne vend La Libre. Pas une ligne qui me permette de savoir que vous êtes (étiez ?) un quality paper. Vous doutez à ce point de votre avenir que vous oubliez de faire votre propre éloge ?

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Last but not least, je ne sais vraiment pas quoi Penser de cette majuscule qui Apparaît en plein Milieu d’une phrase. Si vous avez une si haute idée de votre Quotidien, pourquoi essayer de le vendre d’une façon aussi pathétique ?