Sans un dernier regard, sans même une photo d’adieu, j’ai enfin placé dans un sac-poubelle en plastique blanc le matelas pneumatique qui a accueilli toutes les nuits de ma période boy-scout en (dont certaines à la belle étoile) et quelques nuits de transhumance et de bohème par la suite. J’y avais inscrit fièrement l’endroit et la date des endroits de camp.
Une année, mes petits camarades torturés par le niveau de leurs hormones adolescentes, l’avaient taggé de délires grossiers que j’avais aussitôt censurés au gros marqueur noir.
L’an dernier lors d’une expédition à pied et sans porteurs dans les Dolomites ardennaises, au pied du Mont Saint-Hubert, l’embout en caoutchouc a ployé sous le poids des ans et m’a déposé en expirant doucement sur le dur sol en bois d’une cabane au milieu de nulle part qui accueillait mes camarades de randonnade. C’était ma dernière nuit sur ce matelas.
Et vous, quel objet avez-vous longuement hésité avant de jeter ?