Je ne suis pas un écrivain…

Ou du moins, je ne me considère pas comme tel. Donc, s’il vous plaît, ne m’appelez pas un écrivain.

J’ai été confronté au mot « écrivain » pour me décrire deux fois en trois jours. Comme je n’aime pas me répéter (TDAH oblige), autant faire une communication de service/Dienstmededeling.

Frôlons mais sans l’atteindre le mode « 36 15 code JMELAPETE » : Oui, je suis sous contrat avec un éditeur pour M.P.E. (Mystérieux Projet Editorial), oui j’ai pondu deux spectacles de théâtre (dont l’Envers c’est les autres), oui « Ford Capri c’est fini », le roman issu du nanowrimo attend dans un coin du disque dur que je décide de lui consacrer un peu de temps avant d’aller à la rencontre du vaste monde extérieur et éditorial. Oui, un autre projet éditorial a été remis à mon éditeur il y a quelques jours et on verra bien ce qu’il devient. Oui, j’ai au moins un autre projet d’écriture sur le feu. Oui, je tape ce post sur un Logitech diNovo Edge que je considère comme un instrument de travail plus que de loisirs et que je vous encourage à acquérir si la manipulation d’un clavier joue une part centrale dans vos activités.

Et pourtant, je n’aime pas l’idée d’être décrit comme « écrivain ». Parce que, une fois tronçonnées en deux, ces trois syllabes deviennent « écrits vains ». Tout le contraire de mes envies. Je me réfugie dans « écriveur » avec ses connotations de labeur, de manches retroussées, de travail. Ou si vous préférez les mots qui existent dans le dictionnaire : « auteur ».

Et aussi parce que je ne me range pas dans le même tiroir que Steinbeck, Umberto Eco, Jules Verne, Raymond Queneau, Alexandre Vialatte et autres géants de l’écriture qui sont parvenus tout en haut des 21 lacets de l’Alpe-d’ Huez de l’écriture et la littérature, là où je suis tout juste en train de gonfler les pneus de mon vélo.

Appelez-moi Baudouin, appelez-moi sur mon fixe ou mon GSM, mais s’il vous plaît ne m’appelez pas un écrivain.

Pendant ce temps, au club-house

(il y au moins une lectrice qui va être bien contente que ce post soit en ligne, même si j’ai considérablement embouti la deadline. L’appétit venant en tapant sur une Logitech DiNovo Edge, vous n’êtes pas à l’abri d’un feuilleton littéraire. Be prepared…)

Anyone for tennis ?

Sur les terrains la poussière ocre vole bas, les parties vont bon train, lancées dans une course-poursuite utopique pour se terminer avant la crépuscule.

Dans la chaleur du club-house, le serveur en veste parme philosophe en essuyant les verres. Son bonheur littéraire est de courte durée : Robert Kennedy vient lui faire un bout de causette en sifflotant « Même si tu revenais ».

Le serveur lui tend un chiffon pour essuyer le sang sur veste. Pas la peine : depuis 1968, il a largement eu le temps de coaguler.

– Je vous sers quelque chose, Bob ? Martini ? Un vin blanc ?
– J’hésite.

Le client regarde un Tuc au paprika en se demandant par quel coin commencer le grignotage.

– Je sais. C’est dur de savoir ce qu’on veut hein…

Le client s’accoude sur le mahogany cuivré en grimacant.

– Un scotch, Bob ? Ca tue les microbes. Ca ne peut qu’être excellent pour ce que vous avez. Et si je puis me permettre une question, ça fait quel effet l’alcool quand on est un fantôme ?

– Pratchett. Terry Pratchett. Appelez-moi Terry.
– Terry ? Vous voulez que je vous appelle « Terry », Bob ? Vous ne préférez pas un coca ?
Aujourd’hui, je m’appelle Terry. Et j’écris des romans en anglais. J’ai toujours eu envie de ça : écrire. J’aimerais bien écrire un jour.

Le serveur évoque 42 fois les mânes de Kierkegaard et Montaigne. Il prend note d’emprunter « Servir des verres à un fantôme schizo pour les Nuls » à la Bibliothèque du club.

– Bien sûr… Terry… Où est-ce que vous allez passer vos vacances, Laurent ?
– Comment savez-vous que je m’appelle Laurent ? Un gin-tonic, Bob heu… Terry ?
– C’est comme si c’était écrit sur ton front : c’est brodé sur ta veste. Bon alors, ces vacances ?
– J’ai reçu un avis de passage. Je dois aller chercher des catalogues d’agences de voyage à la Poste. Je vais rêvasser. Je pense aller faire un peu de camping à Gergovie. Un Martini, monsieur ?
– Et sinon, ta soeur, elle bat toujours le beurre ?
– Bloody Mary ?
– Non, l’autre…
– Ah je ne sais pas, la dernière fois que je l’ai croisé, elle tentait d’ouvrir une caisse de manuels de pilotage avec un tournevis, celui à côté du coupe-ongles sur son canif. Elle fredonnait quelque chose à propos d’un orchestre à mille cordes et de tous les oiseaux du point du jour. Un Campari-Orange ?
– Avec une ferveur contagieuse, je suppose ?
– You bet !
– Et un Campari-Orange qui roule ! Coming up right now.