Chaque jour que le soleil fait, nous recevons : 24 heures, 1440 minutes, 86400 secondes dont il vaut mieux retirer une portion généreuse pour le sommeil. Le reste, nous le consacrons à sauver l’humanité de la faim dans le monde, à hésiter entre deux marques de biscuits chocolatés (et à déplorer ce que sont devenus les Choco As), à des réunions perclues de PowerPoint, à des mails relevant de divers niveaux d’urgence…
Malheureusement, ces 1440 minutes sont polluées par des motos jaunes chronophages. Les motos jaunes : qui sont-elles, quels sont leurs réseaux, combien de temps leur consacrons nous chaque jour ?
Flash-Back : Nous sommes en 2009 et je reviens de Luxembourg sur la E411 en compagnie de deux charmantes slaves non tarifées. Machinalement je jette un coup d’oeil dans le rétroviseur. J’y aperçois un point jaune qui grossit. Machinalement, je tourne mon regard vers le véhicule devant le mien pour estimer si je respecte bien la distance de sécurité tout en écoutant un plaisant babillage en anglais sur la vie quotidienne en Pologne. A l’extrémité de mon champ visuel périphérique, vers le 179e, 180e degré, le point jaune d’il y a quelques millisecondes devient une MOTO JAUNE HUUUUUUUUUUURLANTE. Pas le temps de tourner la tête que le deux-roues à décibels est déjà loin devant nous.
Avec mes passagères, nous consacrons dix bonnes minutes à commenter les gens qui roulent en moto jaune, les dangers qu’ils posent, le budget qu’ils consacrent à leur loisir, la taille de leur kiki, leur espérance de vie, etc. Et soudain, revenons à nos ovins, je réalise que nous parlons depuis dix minutes d’un motard qui n’est plus en vue depuis dix minutes.
Des motos jaunes qui traversent nos pensées et dont nous sommes encore en train de parler quand elles sont déjà à deux échangeurs de nos véhicules mentaux, une fois qu’on réalise leur existence on est effrayé par leurs nombres : les tweets et autres gesticulations en ligne d’un (futur ex-) député par apparentement, les vidéos de chatons qui sont si mignons, les pains au chocolat arrachés à la marmaille, les délégués commerciaux d’une marque qui donne des ailes qui sautent d’un ballon vraiment très haut, les caricatures d’un certain protagoniste d’une certaine religion dans un certain journal satirique, les vidéos de campagne maladroite qui ont allégé la campagne des communales, une photo qui prouve qu’aujourd’hui est un jour spécial puisque Britney Spears a indubitablement mis une culotte, un sujet « société » qui racole sur la couverture d’un hebdomadaire… Cette liste pourrait se poursuivre à l’infini et le pire est probablement à venir (mithridatisation, tout ça…)
Notre vision périphérique et nos précieuses 1440 minutes sont squattées par des motos jaunes et à part une résolution contraignante de l’ONU (mes excuses à vos zygomatiques) ou une invasion extraterrestre, je ne vois pas ce qui pourrait les faire disparaître d’un clic.
Pour l’instant, mon détecteur de motos jaunes fonctionne plus ou moins. Quand j’en aperçois une en train de me ronger les neurones, la meilleure réaction que j’aie trouvé est de ne pas participer à la conversation. C’est ainsi que je viens de ne pas attirer l’attention des mes camarades de réseaux sociaux sur un certain tweet à retardement d’un certain (futur ex-) député par apparentement. Mais peut-on être un âne et ne jamais tendre la tête vers la carotte ?
Notre monde connecté mondialement est-il irréversiblement condamné à la pollution par motos jaunes ou bien est-il encore temps d’ouvrir la fenêtre et d’aérer un peut tout ça ? Let’s find out !
P.S. Combien d’entre vous ont résisté à l’envie de cliquer sur le lien des « chatons si mignons » ?
Crédit photos : Jason Pier, Christopher Chan