Nous sommes dans une partie confortable de la région bruxelloise, dans la cuisine d’une famille presque comme les autres. Au mur, la photo d’un homme : il a la quarantaine, il a le regard dans le lointain, il semble philosopher. A la table de la cuisine, un petit bout dans les six ou sept ans mange son souper.
La mère, très belle, est à mi-trentaine, elle couve sa progéniture du regard.
– Dis maman, je ferai le même métier que grand-père un jour ?
La mère regarde l’horloge.
– Ton père est encore au bureau. Tu devrais lui demander quand il rentre. Tu seras très gentille avec lui. Il a des soucis en ce moment.
La mère lui caresse la joue.
Elle va prendre une bouteille de lait dans le frigo, profite que l’enfant ne la voit pas pour pousser un soupir.
– Oui mais… l’autre jour. Vous m’aviez dit que je devais bien écouter à l’école parce qu’un jour je devrais faire tout comme grand-père.
– Oui. Oui. Oui, nous avons dit ça. Mais parfois les grandes personnes ont des problèmes qui ne dépendent pas d’elles tu vois.
– Tu as des soucis maman ?
La mère se détourne, essuie une larme.
Le petit bout vient faire un câlin à sa maman qui à présent a ouvert les grandes eaux.
– Quand je serai grande, tu seras fière de moi, maman !
– C’est très gentil.
La mère sèche ses larmes, s’accroupit pour mettre son regard dans celui de sa fille.
– Même si on a dit le contraire, depuis quelques temps, Papa et moi nous pensons que tu ne feras peut-être pas le même métier que grand-père. Alors c’est important que tu étudies bien à l’école, Elisabeth. Promis ?
La blondinette en culottes courtes hoche la tête gravement, avant d’aller en courant pleurer à chaudes larmes dans sa chambre.